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Rwanda : Paul Kagamé lâché
par les siens (3)
Après la « visite d'État »
effectuée en France par le président rwandais,[1]
on cherche toujours à comprendre pourquoi un personnage aussi controversé que
Paul Kagamé a bien pu être ainsi reçu en grande pompe dans la capitale
française. La surprise, pour ne pas dire l'incompréhension, a été encore plus
grande en Afrique qu'en France, où l'on a encore en mémoire la visite de
l'ineffable « guide » libyen à Paris qui avait fait
planter sa tente en décembre 2007 dans les jardins du
palais de Marigny, face à l'Élysée. Mouammar Kadhafi, entretemps, a été retrouvé
à Syrte dans un égout (comme Saddam Hussein le 13 décembre 2003 après huit mois
de cavale)[2] et vraisemblablement
exécuté. On se plaît donc à penser que les dictateurs ne sont pas éternels. Paul
Kagamé lui est toujours là, même si son pouvoir s'effrite après avoir été lâché
par les Anglais et les Américains qui avaient pourtant vu d'un œil bienveillant
son accession au pouvoir après le génocide qu'il avait déclenché. La seule
question étant de savoir pour encore combien de temps... Après avoir perdu tout
crédit à l'étranger, Kagamé voit ses plus proches collaborateurs ou partisans le
quitter, les uns après les autres. Certains ont choisi l'exil, d'autres
croupissent dans des prisons insalubres, sans parler de ceux qui sont morts tragiquement pour avoir
cru pouvoir rester au Rwanda ? Début janvier 2011,
quatre de ses plus fidèles soutiens ont été condamnés
par la Haute Cour militaire rwandaise à de lourdes peines de prison « pour
trouble à l'ordre public et atteinte à la sûreté de l’État »[3]. L'homme qui fut son bras droit pendant de longues années,
le major Théogène Rudasingwa, ancien secrétaire général du FPR, accuse
aujourd'hui Paul Kagamé formellement d'avoir été l'instigateur de «
l'accident d'avion » qui a coûté la vie aux présidents rwandais, Juvénal
Habyarimana, et burundais, Cyprien Ntaryamina, à deux Ministres du Burundi,
Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi, au chef d’état-major des FAR, le Général
Deogratias Nsabimana, au major Thaddée Bagaragaza, responsable de la maison
militaire du président rwandais, au Colonel Elie Sagatwa, membre du secrétariat
particulier du Président Juvénal Habyarimana, chef de cabinet militaire, sans
oublier les trois membres français de l'équipage du Falcon 50 présidentiel:
Jacky Héraud, pilote, Jean-Pierre Minoberry, copilote et Jean-Michel Perrine,
officier mécanicien.[4] Un
attentat
[5] qui déclenchera une guerre civile et conduira à un génocide qui fera
800.000 victimes, dont Kagamé et les siens rendront impunément les troupes
françaises responsables, six mois après qu'elles aient quitté le pays ! Ainsi
donc, l'un de ses plus proches amis, qui a été, tour à tour, son directeur de
cabinet, secrétaire général du Front patriotique rwandais avant de devenir son
ambassadeur aux États-Unis, accuse aujourd'hui le président rwandais d'avoir été
« le commanditaire de l'attentat » commis le 6 avril 1994.[6]
Dans un entretien à RFI,
Rudasingwa présente « ses excuses » et explique pourquoi il a, lui aussi,
décidé de quitter Paul Kagamé dont il fut assurément l'un des plus proches
confidents. Kagamé a toujours nié avoir été l'instigateur de cet attentat qui a
également trois victimes françaises. Ce n'est pas pour rien que les
parlementaires français, députés comme sénateurs ont refusé de recevoir Kagamé
lors de sa visite officielle en France, ni que le ministre des Affaires
étrangères de l'époque, Alain Juppé, de nouveau en fonction, a préféré se
trouver en Nouvelle-Zélande au même moment. S'il y avait encore des doutes sur
la responsabilité de Kagamé, cette fois-ci avec les aveux de ceux qui ont été
parmi ses plus proches collaborateurs, au moment des faits, ceux-ci ne sont
aujourd'hui plus permis. A la justice de faire (enfin) son œuvre et qu'elle ne
se laisse plus détourner par des opérations de diversion financées par un régime
dictatorial qui n'a que trop duré. En Belgique, également,[7]
cette affaire est suivie de très près ainsi que dans les pays riverains du
Rwanda.[8] Lors de la visite de
Kagamé en France le 12 septembre dernier, nous avions rencontré Gérald Gahima,
longtemps procureur général du Rwanda, un autre de ses plus fidèles amis parti s'installer
aux États-Unis. Entretien : Joël-François Dumont. Paris, le 24 octobre
2011.©

Gerald Gahima,
ancien procureur général rwandais
Rwanda : Paul Kagamé lâché par les siens (3)
[1] Voir "Paul
Kagamé à Paris : une visite controversée (1)" et entendre le témoignage du
colonel Jacques Hogard de l’Association France-Turquoise). Voir également "Hutus et Tutsis contre Kagamé (2)"
avec le témoignage de Nkiko Nsengiman, ancien président de la société civile
rwandaise.
[2] Saddam Hussein se cachait dans un réduit
de 2,5 mètres sous terre relié à une cour de ferme par un très faible passage
(juste suffisant pour laisser passer un homme). Il possédait avec lui une
mallette contenant 750.000
dollars, un
revolver et deux
kalachnikovs. Malgré cela, il n'a offert aucune résistance lors de son
arrestation. (Source : Wikipedia).
[3] Son ancien
chef d'état-major, le général Faustin Kayumba Nyamwasa, son ancien
chef de cabinet, le major Théogène Rudasingwa. l’ancien chef des services de
renseignement extérieur, le colonel Patrick Karegeya et l’ancien procureur
général Gérald Gahima.
Voir "Au
Rwanda quatre anciens proches de Paul Kagamé condamnés à de lourdes peines de
prison". (Source : RFI le 15.01.2011).
[4]
L'Attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Juvénal Habyarimana -
Rapport des députés français - 1998. Source : Rapport de la mission
d'information des commissions de la défense nationale et des Forces armées et
des Affaires étrangères de l'Assemblée Nationale sur "les opérations militaires
menées par la France, d'autres pays et l'ONU au Rwanda entre 1990 et 1994".
Source: Assemblée Nationale, Paris le 15 décembre 1998.
[5]
Attentat du 6 avril 1994 au Rwanda : L'attentat du 6 avril 1994 au Rwanda a
été perpétré contre le président du Rwanda, Juvénal Habyarimana. Cet attentat
s'est soldé par la mort du président ainsi que de toutes les personnes qui
prenaient place dans l'avion où il se trouvait. Le 6 avril 1994, en fin de
journée, le Président Juvénal Habyarimana rentre à Kigali à bord de son avion
personnel, un Mystère-Falcon fourni par la France et piloté par un équipage
français. Il revient d'une rencontre régionale liée aux accords d'Arusha où il a
accepté de mettre en place les institutions de transition sans que le parti
extrémiste CDR y soit représenté. Juste avant de décoller, il a proposé à son
homologue burundais de l'accompagner, et de lui prêter son avion jusqu'à
Bujumbura. D'après l'audition de François Léotard devant les députés français,
le président Mobutu aurait dû se trouver à cette rencontre régionale, mais
aurait refusé de venir au dernier moment. Outre les présidents rwandais et
burundais, l'avion transportait des dignitaires du régime rwandais, dont le chef
d'état-major des Forces armées rwandaises, le général Nsabimana. En phase
d'atterrissage à Kigali, et, selon les versions, des roquettes, depuis le camp
militaire de Kanombe, ou des missiles, depuis la colline de Masaka, sont tirés
sur l'avion. L'avion est touché et s'écrase non loin de l'aéroport, en partie
sur le terrain de la résidence présidentielle. Il n'y a aucun survivant. Des
photos ont montré les corps des personnalités victimes de cet attentat dans la
chapelle ardente improvisée dans le salon de la maison présidentielle, selon les
témoignages de la famille présidentielle.
Les responsabilités dans l’attentat du 6 avril 1994 sont, en
2010, mal établies. La provenance des missiles qui auraient détruit l'avion
présidentiel est sujette à une controverse d'autant plus vive que cet événement
met en cause, selon les hypothèses et leurs variantes, sept pays : la Belgique,
le Burundi, les États-Unis, la France, l'Ouganda, le Rwanda (extrémistes Hutu ou
FPR) ou le Zaïre. Plusieurs hypothèses ont été examinées par les parlements
belges et français et par l'Organisation de l'unité africaine. Les deux plus
plausibles accusent l’une les extrémistes hutus, inquiets de l’évolution des
négociations avec le Front patriotique rwandais (FPR), et l’autre le FPR,
adversaire politique et militaire du régime en place (Source
Wikipedia).
L'enquête du juge Bruguière : Les conclusions de l'enquête du
juge Bruguière, publiées en novembre 200618, désignent des membres du FPR
auteurs de l'attentat : les missiles viendraient de l'Ouganda, et le FPR aurait
pu s'infiltrer à travers les lignes des Forces armées rwandaises et se rendre
sur la colline de Masaka en s'appuyant sur le commando stationné dans Kigali
(dans les locaux du parlement, le CND) à la suite des accords d'Arusha ; Paul
Kagame se serait également opposé à plusieurs reprises à ce qu'une enquête sur
l'origine de l'attentat soit menée. Le juge d'instruction recommande des
poursuites devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda contre le
président rwandais Paul Kagame pour sa "participation présumée" à l'attentat et
lance neuf mandats d'arrêts internationaux contre des personnes proches du
Président Kagame. Si certains témoins avaient déjà déposé devant la mission
parlementaire, les principaux témoignages et documents recueillis par le juge
Bruguière n'étaient pas connus des députés français à l'époque de leur mission
d'information. Il s'agit, notamment, des témoignages d'Abdul Joshua Ruzibiza,
d'Emmanuel Ruzigana, d'Aloys Ruyenzi, de Jean-Pierre Mugabe, d'Innocent Marara,
du colonel Luc Marchal, de Michael Hourigan et de James Lyons, ainsi que des
documents fournis par le parquet militaire russe. Emmanuel Ruzigana a depuis
déclaré à la journaliste belge Colette Braeckman, du Soir, que les propos qui
lui étaient prêtés n'avaient rien à voir avec ses déclarations. Des juristes de
la Commission nationale rwandaise ont vivement contesté les fondements
juridiques de l'ordonnance du juge Bruguière. (Source
Wikipedia).
[6] Voir "Attentat
contre l'avion de Juvénal Habyarimana: les révélations de l'ancien bras droit de
Kagamé". RFI, le 23.10.2011.
[7]
Paul Kagame accusé d'avoir ordonné l'attentat contre l'avion d'Habyarimana
(RTBF Info).
[8]
Rwanda – Attentat contre l'avion de Juvénal Habyarimana : les révélations de
l'ancien bras droit de Kagamé in (Africa
Presse.com) et Rwanda :
Qui est responsable de l’attentat contre l’avion d’Habyarimana ?
Voir également :
Paul Kagamé à Paris : une visite controversée (1) et
Hutus et Tutsis contre Paul Kagamé (2)
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