Piraterie maritime

L’Affaire du Tanit :
Contre-piraterie et polémique malsaine
Cette chronique sur les forces
spéciales été publiée dans la
revue Défense.[1] Nous
la reproduisons ici avec l'autorisation de
son auteur,
Pascal Le Pautremat (*). Paris, le 25
avril
2009.©
Le vendredi 10 avril 2009, les commandos-marine procédaient à
une action à la mer pour libérer cinq otages français.[2]
L’opération de vive force conduisait notamment à la mort du skipper vannetais.
Les propos du préfet Christian Prouteau amorçaient alors une polémique autour de
l’absence sur zone de membres du GIGN et le tir mortel dont fut victime le
navigateur français.
Le vendredi 10 avril 2009, les commandos marine procédaient à
une action à la mer pour libérer cinq otages français.[3]
L’opération de vive force conduisait notamment à la mort du skipper vannetais.
Les propos du préfet Christian Prouteau amorçaient alors une polémique autour de
l’absence sur zone de membres du GIGN et le tir mortel dont fut victime le
navigateur français. En dépit de multiples mises en garde,[3]
les plaisanciers bretons, à l’esprit empli de rêves et de sérénité quelque peu
naïve, ont cru pouvoir braver la dangerosité du Golfe d’Aden. Quittant les eaux
magiques de la Mer rouge et longeant les côtes somaliennes, ils sont rattrapés
par la cruelle réalité. Leur bateau, le Tanit, est arraisonné le 4 avril dans
les eaux internationales, par des pirates somaliens venus du Puntland, à quelque
640 kms des côtes.
Rapidement, le pouvoir exécutif, et le ministère de la
Défense en particulier, met sur le pied de guerre les éléments prépositionnés
des commandos-marine et dépêche depuis Lorient des renforts à destination du
golfe d’Aden. L’impératif premier est de négocier et d’éviter coûte que coûte
que les pirates somaliens ne regagnent leur territoire du Puntland où la
libération des otages français se compliquerait sensiblement avec le risque même
d’un enlisement de la situation marqué par une possible dispersion des otages,
une multiplication des interlocuteurs. Une éventualité qui est clairement
écartée d’autant plus en raison de la présence d’un enfant de trois ans parmi
les otages.
Ces divers paramètres conduisent à ce que l’Élysée donne le
feu vert pour une action de « vive force » (assaut à la mer) destinée à
récupérer les otages et neutraliser les cinq Somaliens. Mais, l’assaut est rendu
à la fois plus difficile et périlleux compte tenu du caractère exigu du bateau
de plaisance, de taille finalement réduite (12,5 m de long, 3,7m de large),
accentuant la dimension de promiscuité otages-pirates. Au final, on relève trois
tués : deux pirates, et le skipper breton, originaire de Vannes, Florent Lemaçon.
Une fois l’aboutissement de l’opération de contre-piraterie connu, l’ancien
préfet Christian Prouteau (65 ans), initiateur en 1974 du Groupement
d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) dont il fut aussi le premier
commandant, estime alors que les autorités n’auraient pas dû se priver du
savoir-faire de membres du
Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale
(GIGN) sur la zone d’intervention.[4]
En somme, il considère d’une certaine manière – sans l’avoir dit clairement –
que le résultat de l’opération aurait pu être tout autre pour le skippeur
français.

Mais, en réalité, rien ne permet d’étayer cette position, car
sur fond de mutualisation bien établie désormais au sein du
Commandement des
opérations spéciales (COS), les gendarmes d’élite et les commandos-marine et de
surcroît les nageurs de combat d’Hubert qui travaillent communément avec la DGSE
– sont finalement sur la
même longueur d’onde quant aux méthodes, techniques et
équipements usités.
 Il faut donc à tout prix éviter une fausse «
lutte de
chapelles » que l’on observe trop souvent. En même temps, il n’est pas question
d’entacher ni déconsidérer les propos de Christian Prouteau. Grand serviteur de
l’État, il a sans doute porté une émotion sur un fait d’actualité au regard de
sa propre expérience, mais avec un décalage de près de vingt années. Il a
exprimé son point de vue, et doit être respecté. Mais, pour autant, cela ne doit
pas allumer une polémique malsaine qui embarrasse le GIGN et froisse les
Commandos-marine. Deux grandes structures qui, de surcroît, sont habituées à
s’entraîner et opérer ensemble, comme en témoigne leur action combinée, en avril
2008, dans la libération du Ponant et de ses trente otages, dont 22 Français.
Le
général Denis Favier, qui commande le GIGN et le contre-amiral Marin Gillier,
pacha de la force maritime des
fusiliers marins et commandos
(FUSCOS) étaient intervenus
physiquement diligentant eux-mêmes une opération menée de main de maître. Tous
deux, en outre, sont de fins acteurs opérationnels puisqu’ils témoignent
communément d’une remarquable expérience du feu.

Quant à la mort du skipper français, souhaitons que le
ministère de la Défense saura être transparent jusqu’au bout, comme l’a annoncé
le ministre Hervé Morin, quant aux conclusions des études balistiques qui sont
en cours au moment de la rédaction de cette rubrique. Car, même si la balle qui
a tué le skipper, est celle d’un membre du commando français, elle ne doit
nullement induire une quelconque culpabilité des militaires français. En aucune
manière, le ministère de la Défense doit être mis à mal.
La mort du Vannetais vient au contraire rappeler que le
risque zéro n’existe pas et que toute opération, en dépit de la finesse extrême
de l’entraînement suivi par les forces spéciales, n’est pas exempte de
paramètres contraignants, voire nuisibles quant à l’heureux dénouement
évidemment souhaité par les commandos-marine eux-mêmes. Car s’ils ont su sauver
quatre otages, nul doute qu’ils considèrent avoir échoué en perdant le
cinquième.
Telle est la culture d’intervention française, connue et
reconnue à travers le monde. Retenons enfin que les circonstances ont conduit à
une lourde imbrication des acteurs, à des tirs croisés dans un environnement
étroit. Et la fragilité des parois du voilier n’a sans doute rien arrangé. Et
cela sur une poignée de secondes seulement. Cela ramène à une certaine humilité
loin des discours de rapport de force, de graduation des compétences.
Les gendarmes du GIGN, à l’instar des
commandos-marine hautement spécialisés pour la contre-piraterie
maritime, auraient été confrontés au même cas de figure et à l’application des
mêmes principes stratégiques et tactiques. Ni plus, ni moins.
Pascal Le Pautremat (*)
(*) Auditeur à l'Institut des Hautes Études de Défense
Nationale (IHEDN) et Chroniqueur à la revue Défense.
[1]
Défense N°139 daté de Mai-juin 2009. Revue
bimestrielle de l'Union des Associations des Auditeurs de l'Institut des Hautes
Études de Défense Nationale (IHEDN). Abonnements: BP 41-00445 Armées.
[2] Il
s’agissait de Florent et Chloé Lemaçon, leur petit garçon de trois ans, et un
couple d’amis des parents.
[3] En mars 2009, la Marine
nationale, par le biais de la frégate Floréal, avait mis en garde à plusieurs
reprises la famille Lemaçon sur les risques qu’ils encouraient dans cette zone
et leur avait suggéré de faire route, plus au sud-sud-est, vers les Seychelles.
[4] Des membres du GIGN étaient
toutefois intégrés à la cellule de crise qui, depuis le boulevard Saint- Germain
géraient conjointement l’Affaire du Tanit, au cœur du Centre de Planification et
de conduite des opérations (CPCO).
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